Alors c'était vrai !


C'est Krishnamurti qui m'a procuré, au sortir de l'adolescence, mes premiers émois ... spirituels ; alors que mes camarades ne cherchaient qu'à faire la fête, j'étais, en quête d'autre chose, en quête de sens, en quête d'Essence.

Dès que je lus les premiers mots de

 "La Première et Dernière Liberté",
 je sus que j’avais trouvé ou retrouvé le chemin.

Mais entre l’instinct du chercheur et l’intuition du trouveur, il y a un fossé, un abîme de perplexité, de doute, de fuite, de découragement..

Puis ce chercheur qui était "moi" s’est mis en route, a pris son bâton de pèlerin et a commencé a parcourir le monde extérieur ou intérieur à la recherche de la clé du coffre où paraît-il était caché le fameux trésor :

 la Lumière, la Paix intérieure, l’Absolu...

Le chemin fut rude, semé d’embûches, zigzagant quand je l’espérais droit, rectiligne quand je l’attendais sinueux.

Les rencontres furent nombreuses, pas toutes enrichissantes, 

mais toutes riches de sens.

 Chaque été, mes vacances se passaient en Suisse, à Saanen, sous une tente, près du grand chapiteau où venait chaque matin enseigner Krishnamurti.

Puis une fois qu’il se fut retiré de ce monde, je jetais mon dévolu sur Ramana Maharshi, Nisargadatta Maharaj, Jean Klein, Ramesh Balsékar … je lus tout ou presque ce que ces éminents sages avaient dit.

Une phrase me revenait sans cesse à l’esprit : "Et si c’était vrai" !

Alors je pratiquais inlassablement le rappel à moi-même: " qui suis je ?"," 

 qui ressent ?", "qui se met en colère ?", "qui souffre ?", "qui désire ?", 
"qui en a marre ? ",  "qui pose ces questions ? " et même "qui est heureux ?"

Au milieu des tâches les plus banales de la vie quotidienne, des soucis de la vie ordinaire, des souffrances les plus pernicieuses, inlassablement cette kyrielle de questions revenait, tentant à chaque fois de me détacher de l’émotion, du sentiment, de l’événement.


Entreprise de démolition, de déconstruction, de terrassement... rarement encouragé, toujours seul, guère non plus compris voire aimé… face au vide social, affectif ou spirituel : rien, du pur néant … mais aussi du pur pain béni pour celui qui avait faim d’aller jusqu’au bout du chemin, jusqu’au bout du rêve, de l’illusion du monde, de l’illusion du moi.


Quel était donc ce moi qui souffrait, qui cherchait, qui désirait, qui courait, qui aspirait, qui attendait, qui se projetait, qui voulait être, paraître, puis …. qui voulait être et non paraître …vivre et non survivre.

Quel était ce moi qui à travers moi se jouait de moi ?

Quel était donc ce corps qui n’arrivait pas à jouir de la beauté de l’instant ?

Quel était donc cet esprit qui n’arrivait pas à aimer, à s’aimer ?

Quel était donc ce cœur, qui au-delà de quelques petits bonheurs glanés 

de ci de là, saignait ?

Quelle était donc cette âme qui appelait, priait, criait au secours, suppliait … jusqu’à en perdre la voix ?

Quelles étaient donc ces sempiternelles questions à propos de ci ou de ça, de tout et de rien, alors que d’autres se contentaient d’être simplement de bons vivants et de tout faire pour oublier qu’ils ne l’étaient pas ?

Mille fois, j’entrevis le passage, je le ratais de peu ; cent fois j’y goûtais et le perdais ; dix fois je le reconnus comme mien et je l’oubliais … 

et un jour enfin je sus vraiment que c’était vrai !

Vrai ! pas la Vérité !  juste vrai !

 vrai le sourire intérieur, vrai le soleil du dedans, vraie la transparence de l’esprit, vrai l’amour qui dans le cœur palpite tout seul sans raisons, vrai le silence, vraie l’absence de "moi", vraie la vraie vie tel qu’en témoignaient les sages, vraie l’absence de peur, de frustration, de culpabilité, vraie la douceur de vivre, vrai le bonheur de l’instant,
 "vrai pour de vrai"
comme disent les enfants pas encore prisonniers de leur petite personne …

Je disais souvent ça quand j’étais petit, je me souviens …
 Je goûtais déjà à ce vrai de vrai, sans le savoir.


  La clarté lumineuse de certains petits matins avait le goût de ça ! 


le jeu des hirondelles volant en rase motte autour de moi avait 
le parfum de ça !
 

la rosée sur les pétales de fleur avait la beauté de ça !

 les rayons de soleil sur mon petit corps chétif avait la douceur de ça !


 L’eau qui s’écoulait de la source avait la fluidité de ça !

Alors c’était vrai ! 


Tant d’années de quête pour pouvoir dire cela,
   dire oui à ce qui est,
le temps d’un soupir, d’un respir ou d’un sourire.

 C’était là depuis longtemps …
au creux de ma main
  qui ne savait pas encore suffisamment s’ouvrir.

C’était là au fond du cœur
  qui ne savait pas encore comment ne rien attendre.

C’était là au coin de l’esprit
 qui ne pouvait pas accepter de ne plus être pour exister pleinement.

Alors c’était vrai !
vrai 
pour de bon,
  vrai pour de vrai,
   vrai pour toujours,
qui rime si bien,
 avec 
Amour.



Nil