Jour de printemps

 Jour de printemps

C'était un jour de printemps parfumé de la délicieuse fraîcheur d'une nouvelle vie
qui sortait de l'ombre ...

Je m'étais assoupi au pied d'un hêtre ancestral paré du majestueux manteau des
grands arbres amis des siècles.

Au bout d'un temps que mon sommeil ne sut mesurer, je fus soudainement réveillé
par un clin d'œil du soleil ayant réussi à s'infiltrer subrepticement sous les feuillages.

Etait-ce dû à la magie particulière de ces sous-bois ayant gardé de jadis quelque
souvenance d'enchantements ou à celle de mon sommeil qui avait été peuplé de
songes des plus mystérieux? je ne sais! toujours est-il que je me réveillais dans une
disposition d'esprit si délicate que je me dois ici de la confesser i pour le dire en bref:
je ne croyais plus à rien.

Et comble de tout, loin d'en être affecté d'aucune manière, ce qui n'est pas si fréquent
en cette matière: j'en étais profondément heureux.

Il ne me semblait pas, pourtant, que j'eusse renié auparavant tout ce qui avait
jusqu'alors donné sens à mon existence.

Je ne me souvenais d'ailleurs même pas non plus quel genre de sens elle avait pu
avoir.

J'étais donc là au pied de mon hêtre, quelque peu béat, innocent comme le nouveau
né qui pousse son premier cri, quoique, en l'occurrence, ce fût bien loin d'être un cri
de douleur.

Je n'étais plus alors en quête de quoi que ce soit, ni en recherche, ni tendu vers ce but,
cette lumière extérieure à soi, que d'aucuns appellent l'Esprit, l'Absolu, l'Essentiel...
ou Dieu.

Il n' y avait plus de tension vers quelque chose, ni vers l'extérieur comme sur la
plupart des chemins religieux occidentaux, ni vers l'intérieur comme sur bon nombre
de voies spirituelles orientales.

Il Y avait simplement, ce jour de printemps, la Vie: la Vie qui coulait simple et
heureuse, sans question, sans problème, sans doute, comme je la connaissais dans ma
prime enfance: une vie chaude et pétillante de bonheur à chacun de mes
mouvements, à chacune de mes respirations, à chaque seconde de regard sur ce qui
m'entourait. 

 Je goûtais là, que dis-je je dégustais une vie tout en "senti", en dehors du temps et de
l'espace, rythmée par la magie d'un présent qui n'en finissait plus d'exister.

Et je me sentais si léger, si clair: il n'y avait plus de peur, de désir, de plaisir ou de
douleur, ni même de bien ou de mal: il n'y avait qu'une douceur immaculée
d’Éternité qui promenait sur toute chose son sourire de tendre compassion et sa
caresse d'amoureuse présence.
 

Il n'y avait plus moi et le monde, le monde et moi: il y avait la Vie, une et

indivisible dans son esprit et dans sa matière, dans sa forme et dans son fond, et dans
tous ses attributs opposés, alimentant la grande mécanique du désespoir: mille facettes
d'une seule et unique réalité fusionnant dans une même coulée de transparence
tranquille ...

... Je sus alors, ce jour là, que ce jour de printemps serait le printemps de mes
nouveaux jours ...

Nil